Résumés / Abstracts

Abdellatif ABID

Institut supérieur des langues de Tunis (Tunisie)

abid.korba@gmail.com

La langue arabe et ses territoires : aperçu historique

La langue arabe est la langue officielle ou la première langue officielle des vingt-deux pays arabes, en plus d’être la langue religieuse, spirituelle ou culturelle des pays islamiques d’Asie et d’Afrique.

En outre, la langue arabe est étendue dans l’espace, car la superficie du monde arabe représente à elle seule environ 10 % de la superficie du monde. L’arabe est aussi une langue qui s’étend dans le temps, car elle a plus de dix-sept siècles durant lesquels elle a été, pendant de longues périodes, une langue créatrice exprimant tous les domaines sans exception.

La parution de l’islam dans la péninsule arabique a donné une grande impulsion à la langue arabe, de sorte qu’elle s’est considérablement développée, soutenue par l’autorité du nouvel État, et, à partir du 8e siècle après J.C., un grand mouvement de traduction s’est activé dans lequel l’arabe a absorbé les sciences des civilisations anciennes : les Grecs, les Indiens et les Perses. Par conséquent, un fort mouvement scientifique s’est développé qui a fait de l’arabe une langue scientifique et la première langue universelle, durant des siècles

Et tandis que l’arabe déclinait durant ce qu’on appelle les époques de décadence (du 13e au 18Ie siècle), la renaissance moderne que connaît le monde arabe depuis le début du 19e siècle a ravivé et développé la langue arabe, même si elle ne lui a pas permis, dans de nombreux pays arabes, d’occuper sa place naturelle, notamment dans les domaines de l’expression scientifique et technologique du fait de la concurrence des langues étrangères et des dialectes locaux d’une part, et en l’absence de politiques linguistiques rationnelles, d’autre part.

Mots-clés : langue arabe ; histoire ; civilisations anciennes ; Islam ; sciences ; traduction ; transmission du savoir ; dialectes ; politiques linguistiques

Rim ABIDI

Institut supérieur des langues de Gabès (Tunisie)

rabidi@laurentian.ca

Éléments pour une analyse interdisciplinaire des représentations spatio-identitaires dans la trilogie canado-américaine de Hédi Bouraoui

Résumé : Cette recherche propose une esquisse générale d’une problématique sémantico-cognitive appliquée à une trilogie littéraire de Hédi Bouraoui (Ainsi parle la Tour CN, 1999; Le Conteur, 2012et Les jumelles de l’Oncle Sam, 2017), se situant à la croisée de plusieurs disciplines et édifiant une synergie transculturelle comme réponse à d’importants enjeux territoriaux et linguistiques de notre monde moderne. Notre propos essayera de mettre en évidence la dynamique créative renouant avec une quintessence logique de transcendance des frontières si chère à cet écrivain franco-ontarien d’origine tunisienne et sa sensibilité littéraire transpoétique à l’œuvre dans sa trilogie canado-américaine. La réflexion interdisciplinaire ciblée propose un renouvellement du traitement linguistique appliqué au corpus littéraire en combinant les perspectives sémantico-cognitive et textométrique, voire logométrique, sur les représentations spatio-identitaires caractérisant cette trilogie.

Nous tenterons ainsi une réflexion renouvelée propice à une corrélation interdisciplinaire prometteuse entre les sciences humaines et la littérature, en puisant dans les apports épistémologiques des sciences cognitives, en conciliant sciences du langage, culture et littérature et en élaborant une logique épistémique médiatrice établissant un pont entre la rigueur linguistique et la subtilité littéraire. Dans cet embryon d’analyse, nous souscrivons d’emblée à une appréhension universelle synergétique en continuum, profitable du point de vue heuristique, en démontrant la légitimité de ladite linguistique moderne foncièrement interactionnelle inter/transdisciplinaire investie par une agrégation complexe de processus descriptifs et analytiques appliquée à la trilogie bouraouienne.

Mots-clés : interdisciplinarité ; représentation spatio-identitaire ; transculturalité ; transpoétique ; transfrontalier ; Hédi Bouraoui

Driss ABLALI

Professeur des universités en sciences du langage

CREM, Université de Lorraine (France)

driss.ablali@univ-lorraine.fr

Territoires, langue, genres

Résumé : Dans cette contribution, la notion de territoire sera appréhendée dans son empan textuel et discursif. On y croisera les notions de langue, de genre et de praxis telles que les appréhendent les théories des textes et des discours (Adam, Maingueneau, Rastier). On tentera de réfléchir sur un corpus numérique d’un « public souffrant écouté/accueilli par le milieu associatif » aux liens entre milieu socioculturel et genres de discours, et aux (in)variations que l’on peut déceler lorsque l’on fait le choix d’écrire dans tel ou tel genre.

Dans un premier temps, il s’agit d’examiner, sur deux genres de discours différents (tchat et courriel), ce que l’appartenance socioculturelle des locuteurs fait à la langue qu’ils mettent en discours. On comparera, au sein du même corpus, des textes provenant du Maghreb aux textes de personnes souffrantes vivant en France, deux communautés qui ont fait le choix de s’adresser à une association française pour parler de soi, pour exprimer leur souffrance ou mal-être. On examinera non seulement, sur un plan sémantique le cas des isotopies dominantes, mais aussi l’ethos et l’habitus des deux communautés en fonction des contraintes multi-sémiotiques que le genre impose aux textes d’un public vivant ou pas sur le même territoire. Ces questionnements nous mènent à un problème global concernant les corrélations entre les notions de territoire et l’usage des langues par des personnes communiquant dans une langue qui est pour certaines leur langue maternelle et pour d’autres une langue étrangère.

Mots-clés : territoires ; langue ; genre de discours ; praxis ; corpus ; numérique ; usage ; (in)variations

Gerardo ACERENZA

Professeur

Università degli Studi di Trento (Italie)

gerardo.acerenza@unitn.it

D’un territoire (Québec) à l’autre (France), d’une langue à l’autre : l’exemple de Querelle de Roberval de Kevin Lambert

Résumé : Querelle de Roberval, deuxième roman du jeune auteur québécois Kevin Lambert, paraît en 2018. Le romanraconte les événements de la grève des employés de la « Scierie du Lac » de Roberval, petite ville située sur les rives du Lac-Saint-Jean, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Chicoutimi, ville natale de l’écrivain. Tout au long du roman, Lambert utilise un grand nombre de traits linguistiques typiques de la région de Chicoutimi. En outre, le narrateur du roman assume aussi bien le point de vue des ouvriers de l’usine, d’où il puise des termes spécifiques des travailleurs de la scierie, que les discours politiques et militants calqués sur les manifestes syndicalistes de Michel Chartrand, figure centrale du socialisme québécois. Il ne manque pas dans plusieurs passages du roman des termes vulgaires qui appartiennent au gay slang, à savoir l’argot des homosexuels.

Le roman est publié en France en 2019 avec le titre Querelle et pour ce qui est de la langue il a été nettoyé d’un grand nombre de québécismes et d’anglicismes. Il s’agit presque d’une traduction intralinguistique : du français québécois vers le français de France. Dans notre communication, nous montrerons comment un roman qui passe d’un territoire francophone à un autre territoire francophone passe également d’un français à une autre français. À titre d’exemple, le premier chapitre du « Prologue » de l’édition québécoise, intitulé « Shift de nuit », a été traduit en français par « Quart de nuit » et l’anglicisme « slutboys », terme d’argot des homosexuels, a été rendu en français de la métropole par le terme « soumis ». S’agit-il du même texte ou bien d’une réécriture ? Quelle est l’image linguistique du Québec proposée dans l’édition française du roman ? Voilà les questions auxquelles nous tenterons d’apporter des réponses dans notre communication.

Mots-clés : roman ; édition québécoise ; édition française ; correction ; traduction intralinguistique ; adaptation linguistique ; Kevin Lambert

Salih AKIN

Professeur des Universités

Université de Rouen-Normandie, Laboratoire DYLIS (France)

salih.akin@univ-rouen.fr

Les entrées « Kurde » et « Kurdistan » dans les dictionnaires en langues kurde et turque : une approche contrastive

Résumé : Rompant avec le fondement multiethnique et multilinguistique de l’empire ottoman, le nouvel État turc se lança, dès sa fondation en 1923, à homogénéiser son paysage ethnolinguistique, en niant l’existence d’autres altérités que l’altérité turque. Le projet d’homogénéisation s’est basée sur une stratégie discursive, consistant à ne pas nommer le nom propre des altérités ethnolinguistiques. C’est ainsi que l’usage des termes « Kurde » et « Kurdistan » a été interdit dans le discours en Turquie entre 1923, date de la fondation de l’État turc, et 2000, date du début de l’assouplissement de la répression linguistique et culturelle qui a frappé les Kurdes en Turquirae.

Comment les dictionnaires se situent-ils face à cette politique d’évitement et de censure ? Les traces discursives de cette politique sont-elles repérables dans les dictionnaires turcs ? Quelles places, quelles définitions accordent-ils aux termes frappés d’interdit ? Ce sont ces questions que nous proposons d’examiner dans cette communication à travers un corpus comprenant les entrées « Kurde » et « Kurdistan » dans dix dictionnaires turcs et neuf dictionnaires kurdes publiés en Turquie. L’hypothèse de départ est fondée sur le postulat que les entrées de dictionnaire ne sont pas un reflet, une description objective, une « découverte » du monde, mais des discours des sujets en interaction avec les pratiques sociales et politiques. Il s’agit de supports discursifs d’autant plus intéressants que l’idéologie officielle turque a longtemps – et encore de nos jours – infiltré les entrées de dictionnaires. En somme, il s’agira de voir comment les dictionnaires signalent un conflit à travers les noms propres.

Mots-clés : nomination ; ethnonyme ; toponyme ; glossonyme ; Kurde ; Kurdistan ; dictionnaire

Mathieu ARSENAULT

Professeur

Université de Montréal (Canada)

mathieu.arsenault.2@umontreal.ca

Se faire entendre dans un « langage fleuri et décousu » : prises de parole et pétitions autochtones au Canada

Résumé : Dans la seconde moitié du 19e siècle, l’augmentation rapide de la population canadienne, l’expansion de la colonisation et l’industrialisation de l’économie engendre des défis supplémentaires pour les Premières Nations qui occupent leurs territoires traditionnels au Québec et en Ontario. Pour ces communautés, qui sont en dehors des institutions représentant la population coloniale, les politiques de l’État constituent des menaces envers leurs territoires et leur identité distincte. Afin de contrer l’érosion de leur poids politique et leur marginalisation croissante face aux institutions coloniales, les Autochtones ont recours à l’écriture de pétitions afin de faire entendre leurs voix auprès du gouverneur. En transposant leur action citoyenne à travers cette « parole de papier », ils cherchent à engager l’action du représentant du souverain britannique en tant que « Père » bienveillant devant protéger ses « enfants » contre les abus de la société coloniale.

Considérée par les administrateurs de l’État comme une forme de langage « fleuri et décousu », cette parole autochtone a sciemment recours à des formules typées et « exotiques » qui visent à réaffirmer leur altérité et leurs droits en tant que nations distinctes et communautés politiques minoritaires. Parce qu’elle implique théoriquement la mise en place d’un rapport plus direct avec le représentant de la Couronne dans la colonie, la pratique pétitionnaire s’impose alors comme le véhicule privilégié de l’activisme politique des Premières Nations qui cherchent à négocier leur place au sein de l’espace colonial, tout en préservant des rapports de nation à nation.

Mots-clés : Autochtone ; pétition ; prise de parole ; action citoyenne

Meriam AZIZI

Maître-assistante en sciences du langage

Institut supérieur des langues de Tunis (Tunisie)

Meriamazizi.z@gmail.com

État des lieux de la migration du français en Tunisie

Résumé : La situation politique de protectorat français en Tunisie a déclenché un flux migratoire linguistique des plus massifs. L’intégration du lexique français dans le parler tunisien a parallèlement favorisé l’emprunt au français pour enrichir le premier. Ce phénomène d’interférence nous semble correspondre à l’expansion d’une forme spontanée de migration vers le parler courant, creusant ainsi le décalage entre l’arabe littéraire, langue officielle, et le dialecte, langue maternelle. Qu’en est-il aujourd’hui de cette migration dans un contexte où la démocratisation des nouvelles technologies fait que l’anglais est en passe de détrôner le français en tant que seconde langue officielle ? Résiste-t-elle face à une majorité qui adhère de moins en moins à la culture française ? Comment peut-on mesurer cette résistance ? Et comment peut-on la maintenir opérante, notamment dans le contexte de l’enseignement de la langue ?

Par ailleurs, l’arabizi, « forme écrite (en alphabet latin) née du développement des appareils électroniques » est sortie de son territoire (virtuel) pour s’approprier des espaces réservés traditionnellement au français et à l’arabe. Cette migration ne peut-elle pas constituer une entrave à la créativité lexicale et donc au type de migration cité en premier ?

Cette étude soumet à l’analyse deux types de corpus. Le premier est un corpus oral, constitué d’extraits d’enregistrements réalisés dans le cadre d’une chronique radiophonique. Le second corpus est écrit. Ce corpus est une sélection de mots rassemblés à partir des enseignes commerciales et des affiches publicitaires qui transcrivent en arabizi le dialecte tunisien. Considérer ces deux corpus dans une approche sociolinguiste pourrait démontrer le postulat de l’existence de deux phases dans l’histoire de la migration du mot de la France à la Tunisie : une phase active et une phase actuelle qui serait plutôt un cheminement vers la disparition de ce flux.

Mots-clés : emprunt linguistique ; diglossie ; code-switching ; arabizi ; territoire virtuel ; migration ; Tunisie.

Rima BARAKÉ

Professeure

Université Libanaise (Liban)

barake_rima@hotmail.com

Territorialité et marques culturelles dans l’acte du traduire

Résumé : On définit souvent la traduction comme le simple acte de faire passer un texte d’une langue à une autre, que ce soit au niveau sémantique ou stylistique. Toutefois, la traduction, et notamment la traduction de textes littéraires, est un acte assez complexe qui fait intervenir à la fois le texte source, le texte cible et le traducteur lui-même. En effet, le texte littéraire se distingue des autres types de texte par le fait qu’il est « fictif » et « créatif » ; en d’autres termes, il sort du commun et se présente comme unique. Cela se traduit par un lexique qui ne possède pas une seule dimension, la dimension sémantique, mais aussi plusieurs autres comme les dimensions culturelle, communicationnelle ou spatio-temporelle.

Ainsi, lorsque Flaubert écrivit que, au bal de la Vaubyessard, Mme Bovary « remarqua que plusieurs dames n’avaient pas mis leurs gants dans leurs verres », le sens de cet énoncé pris hors de son contexte social et temporel n’a que le sens des mots dont il se compose, sans dévoiler sa signification socioculturelle profonde. Il faudra se transporter à l’époque où Flaubert a rédigé son roman pour comprendre qu’un tel geste signifie que ces dames ne s’empêchaient pas de boire du vin. Et par la suite, la traduction d’un tel énoncé fait intervenir trois territoires spatio-temporels : celui du texte source qui permet de comprendre le sens exact voulu par l’auteur, celui du texte cible qui permet de faire passer le message du texte source au public cible et celui du traducteur dont dépend, d’une part, la compréhension du texte source et, d’autre part, la formulation du texte cible. D’où le fait qu’il est à la fois lecteur et auteur. À partir d’exemples précis tirés de textes littéraires traduits, nous examinerons l’impact de ces trois territoires dans l’acte du traduire.

Mots-clés : traduction ; culture ; contexte socio-temporel ; dimension sémantique ; territoire spatio-temporel ; traduction littéraire

Sylvain BEAUPRÉ

Professeur agrégé

Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (Canada)

beaupres@uqat.ca

À la rencontre de deux mondes. Transformations toponymiques de la région de l’Abitibi-Témiscamingue (Québec) Canada depuis le 20e siècle

Résumé : Depuis 8000 ans A.A., le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue est habité et parcouru par des Autochtones chasseurs-cueilleurs qui ont désigné différents endroits (montagnes, lacs, rivières…) dans un souci descriptif utile pour les voyageurs. Après que la colonisation eurocanadienne ait débuté, peu à peu, à la mesure du progrès du mouvement de colonisation agricole, l’univers toponymique autochtone a cédé le pas à de nouvelles désignations inspirées par le nom d’industriels et d’aventuriers anglophones, par celui de figures marquantes de l’Église catholique et par le nom d’officiers de l’armée de Montcalm. La disparition graduelle des toponymes autochtones au profit des désignations eurocanadiennes a conduit à une perte de sens.

Dans le cadre de cette communication, nous entendons bien remédier à cette perte de sens. Nous proposerons la cohabitation des toponymes, autochtones et eurocanadiens, dans les documents officiels du gouvernement québécois. Cette action pourrait s’inscrire dans un vaste mouvement privilégiant le rapprochement entre les peuples. Cette cohabitation toponymique serait également susceptible de participer à l’estime de soi des Autochtones, à la reconnaissance de leur identité ainsi qu’à leur épanouissement. Elle s’inscrirait notamment dans les efforts déployés par la Commission de Vérité et de Réconciliation qui souhaite favoriser la réconciliation et la guérison à la suite du rapport qu’elle a déposé sur les sévices subis par les enfants autochtones dans les pensionnats canadiens.

Mots-clés : toponymie ; Autochtones ; Québec ; Abitibi-Témiscamingue ; cohabitation

Anis BELGHITH

Institut supérieur des langues de Tunis, Université de Carthage (Tunisie)

Anis.belghithtn@gmail.com

Le jeu des territoires dans Beau Masque de Roger Vailland

Résumé : Roger Vailland, né en 1907, est un écrivain français aux mille casquettes. Le répertoire de ce touche-à-tout est partagé entre roman, théâtre, essai, scénario, article et reportage journalistique, etc. Son œuvre romanesque, creuset où s’entrelacent disciplines artistiques et genres littéraires, se répartit en trois cycles ou saisons : un pré-communiste, un autre communiste et un dernier cycle post-communiste.  

Paruen 1954, Beau Masque présente une vision antagoniste du monde. Il se situe dans les années 1950 dans un petit village de France et est construit sur une série d’oppositions qui touche les personnages et les espaces : le Clusot, ville industrielle, et la Grange-aux-Vents, patelin habité par des paysans pauvres et bourrés d’idées reçues et de préjugés ; les habitants du Quartier d’En haut, propriétaires de leurs terres, et ceux du Quartier d’En bas, ayant un physique laid car « ils ne mangent pas de viande (p. 14) » ; une rive gauche et une rive droite ; des propriétaires d’usines, des banquiers et des ouvriers, des ouvriers qui travaillent encore et d’autres licenciés ; des Français et des étrangers ; des étrangers expatriés pour raison économique et d’autres exilés pour des raisons politiques, etc. Cette dichotomie peint une fresque : celle d’un monde en déclin où le mot d’ordre est conflit, lutte, rejet, mépris et idées reçues, qui se heurte à un monde émergent, en pleine mutation. Tout le roman prend l’allure d’un cheminement d’un genre à un autre, d’un espace à un autre pour forcer les frontières que forge la discrimination et accéder à un territoire commun : l’espace du travail, l’usine, territoire de tous.

Nous proposons l’étude de ce roman en insistant sur le langage, les mots utilisés, les mots étrangers (italiens, etc.), et sur la forme, car le substrat de ce roman est une tragédie, avec sa fatalité propre où les espaces et les territoires jouent le rôle du fatum antique.

Mots-clés : territoire ; lutte ; union ; altérité ; différence ; langue ; Roger Vailland

Kahina BELLIL

Enseignante chercheure

Université A. Mira-Bejaia (Algérie)

kahina.bellil@univ-bejaia.dz

Samira OUYOUGOUTE

Enseignante chercheure

Université A. Mira-Bejaia (Algérie)

samira.ouyougoute@univ-bejaia.dz

Langues et rapport de places : les interactions verbales au sein d’une banque nationale algérienne (B.N.A.)

Résumé : La présente communication s’inscrit au carrefour de l’analyse interactionnelle, conversationnelle et de la sociolinguistique du contact des langues en situation de travail. Elle vise principalement l’étude des interactions verbales dissymétriques produites entre les employés d’une banque nationale à Bejaïa (B.N.A.) ayant des statuts professionnels différents et entretenant entre eux des relations dites verticales. Dans ces interactions, nous tenons compte non seulement du facteur du statut professionnel déterminant le rapport de places entre les employés, mais également des langues utilisées.

La situation linguistique de la B.N.A. se caractérise par la présence de deux langues parlées que sont le français et le kabyle, qui n’ont pas un statut d’égalité : le français occupe la position haute et le kabyle, la position basse. Nous nous intéressons à la question de savoir si le statut inégal de ces deux langues peut être un facteur qui change le rapport de places dominant des interactions se déroulant entre les employés de la B.N.A., déterminé essentiellement par le facteur du statut professionnel.

Cette étude se veut exploratoire, car il y a peu de travaux qui s’intéressent à l’étude du facteur linguistique dans les interactions verbales dissymétriques en contexte professionnel algérien. De plus, toutes les études menées jusqu’ici se sont focalisées sur l’importance du rôle que joue la langue française dans ces interactions. Mais qu’en est-il de celui de la langue kabyle ? Pour répondre à ces questionnements, nous avons mené une étude interprétative micro-sociolinguistique des enregistrements audio d’interactions produites entre les employés de cette banque.

Mots-clés : langues en situation de travail ; interaction verbale ; dissymétrie ; statut d’inégalité ; rapport de places

Lilia BELTAÏEF

Maitre de conférences, enseignant-chercheur

Institut supérieur des langues de Tunis, Université de Carthage

liliatn2013@gmail.com

Des langues aux couleurs de leurs territoires

Résumé : Qui dit langue dit culture, identité et forcément territoire, avec tout ce que ce terme englobe comme espace délimité certes par les frontières géopolitiques, mais infiniment étendu par la richesse de ses symboles ethniques, culturels, historiques, linguistiques, etc. En fait, la relation entre la langue et le territoire est tellement étroite que ce dernier lui a même donné son identité. Ne parle-t-on pas de la langue arabe, en référence aux pays arabes, des langues africaines, nées sur le continent africain, des langues européennes en usage en Europe, etc.

Et tout comme la langue marque le territoire, le territoire aussi marque la langue. Ainsi, pour nos amis Français, la misère est « noire », pour nous, Tunisiens, elle est « bleue » ! Chez les Asiatiques, le blanc est la couleur de la mort, pour d’autres, c’est celle de la joie et du bonheur, quant au Français, il a horreur des nuits blanches. Et si pour certains, le noir rappelle le malheur et la misère (misère noire, humour noir, bête noire…), les Arabes l’ont longtemps considéré comme la couleur de la souveraineté (couleur des habits officiels des califes abbassides) et de la beauté féminine (yeux et cheveux noirs, khôl, harqous, etc.). Et bien d’autres exemples encore. C’est dans cette perspective que je compte étudier l’expression de certaines couleurs sur des territoires linguistiques différents.

Mots-clés : langue ; territoire ; couleur ; différence ; identité ; symbole.

Najah BEN AMOR (HAJEJ)

Doctorante en sciences du langage

Université de Lorraine, Strasbourg (France)

najah.hajej@univ-lorraine.fr

La langue : facteur d’intégration ou source d’angoisse

Résumé : Les adultes primo-arrivants accueillis sur le territoire français rencontrent des obstacles liés à des facteurs personnels (milieu socioéconomique, état de santé, capacité d’inclusion, etc.) et à des facteurs du macro-environnement sociétal (redéfinitions des politiques migratoires). Depuis les années 1990, la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour est conditionné par la validation du niveau A1 en langue française. La langue peut donc être une source d’angoisse très importante lorsqu’elle n’est pas maitrisée (insécurité linguistique) ; dans ce cas-là, elle met en péril le projet de vie de l’apprenant et engendre l’isolement des adultes primo-arrivants.

À travers notre travail de recherche, nous nous intéressons aux représentations qui influent indéniablement sur les comportements des primo-arrivants. Pour ce faire, des entretiens semi-directifs ont été mis en place, ainsi que des groupes focus. En analysant les réponses au test de satisfaction et lors des observations faites, nous constatons que les adultes se disent être dans une situation de faiblesse où tout est à refaire en partant de leur identité à la maitrise de la langue du pays d’accueil. Nous avons relevé une auto-évaluation négative marquée par des vocables forts (honte, manque de confiance) et, en parallèle, une crainte du regard de l’autre (moquerie, peur). Ils restent entre « eux » et s’isolent du reste de la population locale. La langue permet à l’apprenant d’exister en tant qu’être social ; or, l’apprenant dit éviter certaines situations sociales du fait de ce sentiment d’insécurité linguistique. Il est à noter que les apprenants estiment ne pas être complétement « intégrés » tant que la maitrise de la langue française n’est pas optimale (accent fort, erreurs entre le masculin et le féminin, niveau inférieur au C1).

Mots-clés : adulte primo-arrivant ; langue ; intégration ; angoisse ; isolement ; insécurité linguistique ; représentations linguistiques

Salma BEN AMOR

Institut supérieur des langues de Tunis

Université de Carthage / Laboratoire : Langue et Formes Culturelles (Tunisie)

ben.amor.salma.sba@gmail.com

Blanche-Neige et Ain Echams, version ou variante d’un même conte ?

Résumé : À la lecture du recueil de contes tunisiens publié par Salem Ounaies sous le titre Le conte merveilleux et populaire (2016), on remarque des similitudes et des différences avec des contes mondialement connus. Nous avons choisi d’en étudier un exemple : Ain Echams en le comparant à Blanche-Neige.

Ce conte tunisien rappelle la Blanche-Neige des frères Grimm. L’intrigue est pratiquement la même. Mais si Blanche-Neige des frères Grimm est un conte-type qui donne à voir des éléments d’une société occidentale, Ain Echams de Salem Ounaies donne à voir des éléments d’une société maghrébine : la Tunisie. Si, dans le premier conte, nous avons une marâtre jalouse de sa belle-fille, dans le second, nous avons une mère jalouse de sa fille. Si, dans le premier conte, la jeune fille se retrouve à vivre avec sept nains, des hommes qui lui sont totalement étrangers, dans le second, la jeune fille vit avec ses frères. Dans le conte occidental, nous avons le miroir et la pomme, alors que dans le conte maghrébin nous avons le soleil et le peigne. Tandis que le prince charmant arrive sur son beau cheval blanc, Ain Echams se déplace à dos de chameau, etc. Pourquoi ces deux contes contiennent-ils des différences et des similitudes ? Comment la différence d’espace est-elle exprimée ? Peut-on dire qu’il s’agit de deux versions ou de deux variantes du même conte ?

Mots clés : patrimoine immatériel, version, variante, conte

Safa BEN BRAHIM

Doctorante

Laboratoire CELTIC-BLM (Centres des Langues, Territoires et identités culturelles-Bretagne et Langues Minoritaires)

Université de Rennes 2 (France)

safabenbrahim@hotmail.com

Langues du territoire national et langues de scolarisation, du clivage au tissage

Résumé : De nombreuses recherches à travers le monde et dans différentes disciplines, tels les travaux en sociolinguistique (Blanchet, Hélot, Ludi), en didactique des langues (Blanchet, Cicurel), en sociodidactique (Blanchet, Rispail, Clerc Conan), en pédagogie (Cummins, Auger), en ethnopsychiatrie (Moro, Yahyaoui) et en sociologie de l’éducation (Lahire), ont mis l’accent sur l’importance de bâtir ses apprentissages en langue seconde sur des connaissances préexistantes. Ils ont démontré également que l’accueil bienveillant du répertoire langagier de l’apprenant(e) favorise l’apprentissage et son engagement intellectuel.

Or, en Tunisie, il y a un clivage, voire un conflit entre le tounsi – la « langue » du territoire national, un des symboles forts de l’identité (Bulot, 2001) –, et les langues de scolarisation. Dans l’institution scolaire, c’est l’hégémonie de la langue normée qui règne au détriment des pratiques linguistiques des apprenant(e)s qui sont souvent stigmatisées et rejetées. En effet, l’école est coupée des réalités extérieures (Vincent, Lahire et Thin 1994).

Les résultats de notre travail de recherche viennent donc confirmer un clivage entre les pratiques langagières des enfants hors cadre scolaire et celles attendues par l’école, marquant ainsi des frontières semi-étanches entre les langues et le territoire. Ce clivage, ajouté à d’autres paramètres que nous exposerons, engendre une insécurité linguistique avérée responsable de l’altération du bon déroulement de l’apprentissage et de l’estime de soi. Nous verrons ensemble comment il est possible de concilier plusieurs langues cohabitant à l’école sans délégitimer les pratiques langagières et sociales des apprenant(e)s afin d’optimiser leurs résultats.

Mots-clés : territoire national ; hégémonie linguistique ; pratiques langagières sociales ; apprentissage ; insécurité linguistique ; cadre scolaire ; Tunisie ; tounsi ; français

Manoubia BEN GHEDAHEM

Institut supérieur des langues de Tunis, Université de Carthage (Tunisie)

manoubia.benghedahem@islt.ucar.tn

Douagi ou comment être un citoyen du monde en 1933

Résumé : En 1933, Ali Douagi, un écrivain tunisien, a publié une relation de voyage dans laquelle il rend compte de la croisière qu’il a faite en Méditerranée. Cet ouvrage permet de découvrir le récit d’un « touriste » avant l’établissement du tourisme de masse et aussi le point de vue d’un Tunisien sur la rive nord de la Méditerranée.

Dans cette communication, nous nous proposons de voir comment Douagi définit les territoires et quelle « langue » (canal de communication) il emploie. Pour lui, cette croisière est l’occasion de rencontrer des gens, donc de voir le monde tel qu’il est en réalité et non tel qu’il se présente dans les livres ou dans les musées. Ceci génère un changement de perspective au sens pictural du terme, avec la reconnaissance de l’Autre et la découverte de la différence, à travers la diversité des langues, de la monnaie, des sexes, de l’architecture, des plats… La Tunisie n’y est pas considérée comme le centre du monde et si Douagi mesure le monde à l’aune tunisienne, c’est pour mieux l’appréhender. Son recours à des composantes de ce référent a pour but de se faire comprendre des lecteurs de son récit. Le monde tel qu’il le voit est sans aucune uniformité : tout et tous sont différents et critiquables. La meilleure façon d’appréhender cet espace est l’humour, le refus de la sacralité et l’ouverture à l’Autre. Les gens, comme les pays, sont réduits à des caricatures. Lui-même est citoyen de ce monde : un monde varié, mais sans séparations, et il s’y présente sous une série de clichés qui transgressent et abolissent les frontières.

Mots-clés : littérature du voyage ; territoire ; découverte ; humour ; Douagi

Sameh BENBICHA

Doctorante / chercheuse

Université d’Oum El Bouaghi (Algérie)

benbicha.sameh@gmail.com

Pour une lecture géocritique de De la Part de la Princesse Morte de Kenizé Mourad. La ville, un socle identitaire

Résumé : Kenizé Mourad est une écrivaine française d’origine turco-indienne. Son père est un raja indien issu d’une famille musulmane chiite du nord de l’Inde. Quant à sa mère, une princesse ottomane et petite fille du sultan Mourad V, elle est musulmane sunnite. Kenizé voit le jour à Paris aux débuts de la Seconde Guerre mondiale. À la suite de la mort prématurée de la princesse, l’auteure est placée chez les sœurs, qui vont lui assurer une éducation exclusivement chrétienne jusqu’à son adolescence, période pendant laquelle elle multiplie les familles d’accueil.  

Son premier roman, De la Part de la Princesse Morte, paru en 1987, et par lequel elle entame sa quête des origines, relate la courte vie de sa mère. Il est organisé autour de quatre segments géographiques, à savoir la Turquie, le Liban, Les Indes et la France, des espaces urbains constituant le parcours de Selma. Ce morcellement, qui obéit à la volonté de montrer une spatialité éclatée, allant jusqu’à faire effet d’universalité, connote, toutefois, une insécurité identitaire causée par l’errance et l’exil.

De ce fait, il serait intéressant d’interroger la notion de l’espace-ville, qui, dans ce cas, fait office de protagoniste, à la lumière de Bertrand Westphal, le concepteur de la géocritique. Sa réflexion novatrice, qui tend à placer le lieu au centre des débats, trouve sa source dans l’interdisciplinarité en conjuguant surtout la géographie à la littérature.    

Mots-clés : espace ; ville ; identité ; géocritique ; exil ; errance ; Kenizé Mourad

Bachir BESSAI

Maître de Conférences A

Université de Béjaïa (Algérie)

bachir.bessai@univ-bejaia.dz

Langues, identité et territoire. Enquête sociolinguistique en Kabylie (Algérie)

Résumé : Notre communication a pour principal objectif d’étudier les statuts et les fonctions des langues en contact en Kabylie (Algérie), les usages qu’en font les locuteurs au quotidien et, enfin, les représentations de ces usages. La Kabylie a été longtemps considérée comme le bastion des luttes culturelles et linguistiques en Algérie et dans le Maghreb. Dans cette optique, nous tenterons de voir dans quelle mesure le territoire et ses dimensions influent sur l’usage des langues, sur les représentations linguistiques et sur l’identité. Nous observerons donc le fonctionnement de la situation des langues dans le territoire kabyle dans le but de mettre en évidence dans quelle mesure ce territoire est porteur d’une identité linguistique. Nous évoquerons dès lors les actions menées dans cette région pour la défense de la langue berbère et l’appropriation de ce territoire. Nous ferons donc émerger, à travers des enquêtes sociolinguistiques, les représentations et les attitudes, leurs manifestations, leurs verbalisations, et essaierons de voir le lien qu’elles établissent avec les consciences plurilingues, les usages linguistiques et l’éventuelle présence de conflits culturels et linguistiques. Notre recherche part de la nature sociale du langage afin d’analyser le lien qui se noue entre la langue, l’identité et le territoire.

Mots-clés : langue, identité, territoire, représentations sociolinguistiques, usages linguistiques, Kabylie

Julie BOISSONNEAULT

Chercheuse en résidence, CRCCF, Université d’Ottawa

Professeure émérite, Université Laurentienne, Canada

jboissonneault@laurentienne.ca

Parcours intergénérationnels de l’emprunt à l’anglais

chez des francophones du Nord-Est ontarien

Une enquête menée par Alain Thomas dans le Nord-Est ontarien (2013) révèle des différences intergénérationnelles dans les emprunts lexicaux à l’anglais que font les francophones du Nord-Est ontarien. Ses constats corroborent les tendances observées dans d’autres enquêtes auprès de francophones ontariens, bien que le glissement vers l’anglais ne soit pas régulier et que l’anglicisation semble plus intense chez les locuteurs nés entre 1940 et 1960.

Cette communication donne suite à l’enquête de Thomas, par une analyse de corpus auprès de 120 francophones nés entre le 19e et le 21e siècle et habitant diverses communautés du Nord-Est ontarien. L’analyse, qui s’inscrit dans une perspective sociolinguistique et dans approche de synchronie dynamique, vise d’abord à dégager la présence de lexèmes empruntés à l’anglais en fonction des années de naissance des locuteurs, puis à comparer les probabilités d’usage de ces emprunts à celles des variantes françaises équivalentes. Puisque les communautés à l’étude varient de franco-minoritaires à franco-majoritaires, nous tiendrons compte des indices d’usage en fonction de l’effet de la concentration des francophones dans leurs communautés de résidence afin de cerner l’importance de cette variable dans le processus d’anglicisation.

Mots-clés : sociolinguistique ; emprunt linguistique ; différences intergénérationnelles ; francophonie minoritaire ; Nord-Est ontarien ; synchronie dynamique ; anglicisation

Chantal MAYER-CRITTENDEN

Professeure agrégée

Université Laurentienne (Canada)

cmayercrittenden@laurentienne.ca

Enseignement du vocabulaire et sensibilisation aux enjeux liés à l’acquisition d’une langue minoritaire

Résumé : Les francophones du nord de l’Ontario (Canada) vivent en situation de pluralité linguistique, et ce, même au sein du système scolaire de langue française. En effet, les enfants francophones sont entourés d’enfants à dominance anglophone aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle de classe. Des études récentes montrent que ces enfants ont de faibles performances linguistiques par rapport aux attentes des locuteurs issus de contextes majoritaires, d’où l’importance de développer des techniques d’aménagement linguistique servant à franciser les enfants.

Cette étude a pour objectif : 1) d’analyser des échantillons de langage (français et anglais) d’enfants fréquentant des écoles de langue française ; 2) de développer des pratiques pédagogiques ciblant l’enseignement direct du vocabulaire scolaire ; 3) d’identifier des stratégies de sensibilisation à l’acquisition d’une langue minoritaire destinées au personnel scolaire, aux parents et aux enfants ; 4) de créer une ressource pédagogique servant à résumer la recherche-action et à transmettre les connaissances ; et 5) d’analyser les perceptions chez le personnel enseignant des stratégies développées. Les enseignants ont fourni une instruction directe du vocabulaire et ont sensibilisé les membres des équipes-école et les parents. Les résultats de l’étude montrent que la perception de l’acquisition d’une langue minoritaire a évolué chez la majorité des enseignants. De plus, ils disposaient dorénavant de stratégies qui favorisent l’enseignement du vocabulaire scolaire et qui servent à sensibiliser autrui à l’acquisition des langues dans un contexte où la langue de scolarisation est également une langue minoritaire. Une ressource pédagogique libre d’accès découlant de cette étude est désormais disponible.

Mots-clés : langue minoritaire ; contexte linguistique ; école de langue française ; bilinguisme ; vocabulaire ; Ontario ; francisation

Jean-Rémi CARBONNEAU

Serbski institut / Sorbisches Institut (Allemagne)

remi.carbonneau@serbski-institut.de

Le colonialisme intérieur selon Robert Lafont. Un apport théorique oublié

Résumé : La notion de « colonialisme intérieur » a été utilisée dans les sciences sociales pour caractériser certains types de conflits centre-périphérie apparus durant le processus de consolidation des États contemporains. Parmi les chercheurs ayant approfondi cette notion théorique, le sociologue étasunien Michael Hechter s’est particulièrement démarqué grâce à sa célèbre étude sur le Royaume-Uni (Internal Colonialism: The Celtic Fringe in the British National Development 1536-1966). Publiée en 1975, celle-ci est devenue un classique de la littérature sur la pacification et l’intégration des minorités ethnolinguistiques établies dans les marges de l’État. Pourtant, le recul des années et l’analyse politique comparée permettent de relativiser la portée novatrice de l’apport théorique d’Hechter. Il appert qu’un chercheur peu connu du monde universitaire anglo-international, le sociolinguiste occitan Robert Lafont, a consacré une partie de son œuvre à l’étude du colonialisme intérieur dans le cas de la France, dans un sens fort apparenté à Hechter. Devançant ce dernier de plusieurs années, Lafont a, dès La Révolution régionaliste (1967), utilisé cette notion pour analyser la triple relation de soumission des périphéries de l’Hexagone aux impératifs politiques, économiques et culturels de son « noyau national ». Un aspect saillant de son analyse est celui de l’appropriation puis de la francilianisation de périphéries linguistiquement différenciées, de même que l’« aliénation culturelle » et les représentations du territoire qui en résultent. Près de 50 ans après la publication du livre d’Hechter, la présente communication vise à faire une mise au point sur les recoupements entre les deux auteurs, ainsi que sur leurs précurseurs, dans le but de restituer à l’œuvre de Robert Lafont sa part de mérite et d’originalité théoriques.

Mots-clés : colonialisme intérieur ; aliénation culturelle ; conflits linguistiques ; conflits centre-périphéries ; territorialité linguistique ; France ; langues régionales

Simone CASALDI

Doctorant

Université Laval (Canada)

Simone.casaldi.1@ulaval.ca

Politiques de soutien à la traduction et image du territoire : le cas de la littérature québécoise traduite en Italie

Résumé : Depuis 1972, la mise en place de subventions à la traduction du Conseil des arts du Canada a permis à la littérature québécoise de rayonner dans le Canada anglophone et dans le reste du monde. D’ailleurs, avant la création de ce programme, peu nombreux étaient les ouvrages québécois traduits à l’étranger. Force est d’admettre que la littérature du Québec doit donc son prestige international à l’activité de cet organisme fédéral, dont les mécanismes sont toutefois encore imparfaits et améliorables.

Cette communication vise à mettre en relief l’importance des subventions à la traduction du Conseil des arts dans le choix des maisons d’édition italiennes de traduire la fiction québécoise. Nous examinerons également comment les critères sous-tendant l’octroi des financements ne prennent pas en considération la spécificité québécoise des ouvrages ni l’image de la société et du territoire québécois que ces traductions véhiculent. Par la suite, nous nous attarderons sur le manque de paratextes à côté des traductions italiennes, analysant aussi comment certaines maisons d’édition italiennes choisissent premièrement de traduire la fiction québécoise pour des raisons idéologiques et financières, et pas uniquement en vertu du vif intérêt pour l’auteur ou pour la qualité des ouvrages. Finalement, nous passerons en revue le contexte de production de trois traductions italiennes, soit Clara, che a quindici anni disse sì (1995), L’ultimo giorno dell’estate (2002),ainsi que La bambina che amava troppo i fiammiferi (2003),afin de souligner dans la pratique les effets collatéraux de certains éléments du programme de soutien à la traduction.

Mots-clés : image du territoire ;traduction ; littérature québécoise ; subventions à la traduction ; traductions italiennes ; paratexte

Radhia CHERAK

Maître de conférences A

Centre universitaire Si El-Haouès (Algérie)

radhiacherak@cu-barika.dzz

Mohamed Yazid ZIDANI

Université Batna 2 (Algérie)

zidanikarim212@yahoo.frr

L’autonomie de l’apprenant lors de l’enseignement à distance

Résumé : Depuis les dernières réformes qui ont touché l’université algérienne, on assiste à la réhabilitation de l’enseignement de toutes les matières et au changement du rôle de l’enseignant et de l’apprenant, qui devient l’axe nodal de toute action pédagogique. Il n’est plus un apprenant passif, mais un acteur social capable d’agir dans n’importe quelle situation de communication (Windmüller, 2015). En Algérie, à l’ère de la Covid-19, on a assisté à l’émergence d’un nouveau mode d’enseignement à savoir l’enseignement à distance (EAD). Toutes les universités ont été appelées à créer des plateformes et des sites numériques vu le confinement et la fermeture des établissements scolaires et universitaires à partir de mars 2020.

Cette étude a un double objectif. Le premier est de montrer comment se sont déroulés les cours, les travaux dirigés et les examens en ligne pour clôturer l’année universitaire 2019-2020. Le deuxième est de répondre aux questions suivantes : Peut-on parler d’un apprentissage autonome au sein de l’EAD ? Comment peut-on accompagner l’étudiant et lui faciliter la tâche ? Quel défi et quelles difficultés les étudiants ont-ils rencontrés lors de ce nouveau mode d’enseignement ?

Il s’agit d’une enquête par entretien semi-directif menée auprès des étudiants des deux filières français et anglais. L’entretien porte sur les représentations qu’ils se font sur l’enseignement en ligne et sur leur autonomie envers cet enseignement. Les premiers résultats montrent que les étudiants sont convaincus que certaines matières ne peuvent s’apprendre qu’en classe. Certains se sont rencontrés et ont travaillé en groupes, ce qui les a motivés et a créé chez eux le désir d’apprendre. Toutefois, la majorité des étudiants se sont sentis perdus sans le sentiment d’accompagnement de leurs enseignants. Il semble nécessaire de concevoir les enseignements autrement pour les adapter au public et aux conditions et de programmer des cours en présentiel pour renforcer les apprentissages.

Mots clés : virtuel ; numérique ; enseignement en ligne ; enseignant ; apprenant ; autonomie ; Algérie

Jean-Pierre CORBEIL

Université Laval (Québec)

jeanpierre.corbeil@videotron.ca

Espaces privés, espaces publics à Montréal : l’immigration et les défis de la francophonie dans un contexte plurilingue et pluri-identitaire

Résumé : Le Québec et Montréal en particulier font face à un défi unique. Alors que depuis près d’un demi-siècle le gouvernement québécois a mis en œuvre un ensemble de mesures et de politiques visant à favoriser l’intégration des immigrants à la communauté francophone, le régime linguistique actuel peine à composer avec les comportements bilingues ou plurilingues croissants et les identités ethnolinguistiques multiples des Québécois.

En dépit d’une réorientation majeure des immigrants, principal moteur de croissance de la population, vers le français depuis l’adoption de la Charte de la langue française en 1977, ces derniers se voient tenus pour responsables du recul perçu ou réel du français dans la société québécoise et montréalaise en particulier. Or, bien que des discours politique, scientifique et de sens commun remettent très peu en question cette représentation de la réalité, force est d’admettre qu’on associe souvent à tort l’évolution à la baisse de la prédominance du français dans la sphère privée au recul du français dans l’espace public, domaine visé par la politique linguistique.

La concentration des immigrants et des Anglo-Québécois à Montréal, le statut dominant de l’anglais comme lingua franca internationale, l’intérêt grandissant des francophones pour cette langue et la volonté collective d’assurer la pérennité et le rayonnement du français comme langue publique commune constituent autant d’éléments qui nous obligent à repenser le paradigme linguistique actuel. Quels seraient les fondements de ce nouveau paradigme que doivent repenser ensemble les collectivités linguistiques qui façonnent en interaction l’espace montréalais ? Notre exposé tentera de répondre à cette question.  

Mots-clés : Québec ; Montréal ; immigration ; identités multiples ; plurilinguisme ; régime linguistique ; dynamiques linguistiques

Antoine CSUZDI-VALLÉE

Étudiant diplômé

Université de Montréal (Canada)

antoine.csuzdi-vallee@umontreal.ca

À la défense du Nord : les groupes de support de Project North, les peuples autochtones et les ressources naturelles

Résumé : La coalition œcuménique Project North (PN, 1975-1987), fondée pour défendre les droits des peuples autochtones nordiques et pour promouvoir un développement moral et éthique du Nord, a été un vecteur de mobilisation sociale central, mais méconnu au Canada. Réunissant à la fois des membres du clergé et de la société civile, la coalition donne naissance à une nébuleuse de comités citoyens locaux – appelés les groupes de support – qui sont essentiels à ses démarches. Disséminés à l’échelle du pays, ceux-ci se retrouvent souvent à l’arrière-plan d’un activisme qu’ils ont pourtant contribué à forger.

Les groupes de support de PN sont une fenêtre de choix sur un activisme citoyen unique. Ils représentent un effort coordonné et singulier visant à mettre de l’avant un nouveau rapport vis-à-vis du Nord du Canada. Ceci les mène à écrire fréquemment aux différents paliers de gouvernement. Cette prise de parole concertée permet d’afficher un support d’un bout à l’autre du pays pour les revendications des peuples autochtones nordiques. Cet activisme n’est toutefois pas dénué de tensions : entre la diversité d’acteurs aux intérêts souvent convergents, mais parfois opposés, et la complexité de la nébuleuse qui les unit, les groupes de support de PN ont un passé délicat et enchevêtré. Par l’étude de leur prise de parole, nous nous pencherons donc sur l’histoire et sur l’importance de ces groupes de support en faisant ressortir les intrications entre leur action citoyenne locale, leur rapport au territoire, les identités multiples qu’ils côtoient et la pluralité organisationnelle dans laquelle ils se situent.

Mots-clés : Autochtones ; mobilisation sociale ; Canada ; prise de parole ; action citoyenne ; territoire

Najoua DJERAD

Professeure

Université de la Manouba (Tunisie)

najouadjerad@gmail.com

Diversité linguistique en Tunisie à l’ère numérique

Résumé : La diversité linguistique consiste en l’usage des citoyens-locuteurs des langues de leur choix. Elle contribuerait à une vie sociale paisible et épanouissante. Les droits linguistiques édictent des règles en vue de permettre à chacun de s’exprimer librement dans sa langue (Agresti 2021). Empêcher quelqu’un de communiquer avec les autres rappellerait l’« ostracisme ».

L’effectivité des droits linguistiques serait cependant approximative. Le droit international s’oppose parfois à leur application (de Varennes 2017). Aussi, les dispositions juridiques en question demeurent, en grande partie, lettre morte. La sécurité juridique risque d’être compromise du fait du non-respect de la diversité linguistique. Comment réagirait une personne privée d’échanger avec les siens du fait de son ignorance de la langue ?

L’intérêt du sujet est indéniable. Notre réflexion porte sur la Tunisie où, historiquement, la diversité linguistique est ancrée. L’État tunisien œuvre toujours pour la consolider : la Loi d’orientation et d’enseignement scolaire de 2002 édicte que la maîtrise d’au moins deux langues étrangères est obligatoire. Mais, ces dernières années, ce choix stratégique a fait l’objet d’un débat. Internet pourrait-il renforcer la diversité linguistique en Tunisie ? Quel usage ciblé de la Toile permettrait l’apprentissage des dialectes et des langues étrangères ainsi que l’ouverture des cyber-citoyens sur d’autres instruments de communications. Quelles opérations managériales peuvent être prises à cet effet ?

Mots-clés : diversité linguistique ; droits linguistiques ; sécurité juridique ; richesse linguistique ; ère numérique ; cyber rencontre  

Mzago DOKHTOURICHVILI

Professeure émérite

Université d’État Ilia (Géorgie)

mzagho_dokhturishvili@iliauni.edu.ge

Particularités socioculturelles de la formation des francophonismes au Cameroun et au Gabon et leur emploi dans les textes littéraires

Résumé : L’objectif de la présente communication est d’étudier une dynamique sociolinguistique de l’alternance de différentes langues dans deux pays francophones – le Cameroun et le Gabon –, les conditions socioculturelles de la formation des francophonismes et leur emploi dans les textes littéraires. Pour le corpus à analyser, nous nous référons à l’œuvre des auteurs camerounais et gabonais présentés dansl’Anthologie des littératures de langue française, qui rassemble des écrivains de langue française de quatorze pays francophones : Belgique, Cameroun, Canada, Congo (RDC), Gabon, Guinée, Liban, Luxembourg, Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), Roumanie, Suisse, Vietnam, (Éditions de l’Université d’État Ilia, à paraître) et qui s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet conçu au sein de la Délégation de La Renaissance Française en Géorgie, dont l’objectif est de publier une série d’Anthologies portant sur les littératures de langue française. 

Mots-clés : francophonisme ; formation ; dynamique sociolinguistique ; condition socioculturelle ; littérature camerounaise ; littérature gabonaise

Sara FEDERICO

Doctorante
Università degli Studi di Sassari (Italie)
s.federico@phd.uniss.it

« J’ai l’accent de ma ville ». Quelles catégories pour une analyse sociolinguistique et de genre du rap marseillais ?

Résumé : Cette communication a pour but d’appréhender les liens entre la ville de Marseille et ses pratiques linguistiques à partir de l’analyse des chansons de rap. Le corpus présenté, qui inclut les textes des chansons de trois rappeuses marseillaises et leurs entretiens, est tiré d’un plus large corpus recueilli sur le terrain en 2022. Bien que les mots mis en musique ne puissent pas être considérés comme des données écolinguistiques spontanées mais plutôt le produit stylisé et esthétique d’une pratique artistique (Carinos et Hammou 2020), il est pourtant inévitable de constater que « la diffusion et le succès de titres de rap […] font (re)passer dans l’usage public, des énoncés ou expressions dotés d’une nouvelle connotation, […], d’un nouvel usage social, d’une nouvelle circulation » (Gasquet-Cyrus 1999). Comment les rappeuses balisent-elles donc la ville et comment construisent-elles à travers leurs pratiques linguistiques l’identité marseillaise ?

À partir des études sur la sociolinguistique urbaine (Calvet 2011 ; Auzanneau et coll. 2003) et l’analyse du discours, nous tenterons de repérer les éléments linguistiques relevant des identités genrées des rappeuses ancrées dans une ville méditerranéenne comme Marseille. Finalement, cette communication servira aussi un but méthodologique : quelles catégories d’analyses linguistiques (néologismes, verlan, emprunts, alternances endolingues et exolingues, prononciation) s’avèrent pertinentes pour saisir le lien entre les innovations lexicales et les spécificités socioculturelles des rappeuses qui habitent la ville ?

Mots-clés : Marseille ; rap ; genre ; sociolinguistique ; contact de langues ; identité

Manel FRADI

Haute École Francisco Ferrer (Belgique)

Manel.fradi@he-ferrer.eu

Politiques éducatives et niches scolaires en Belgique francophone

Résumé : L’un des enjeux post-COVID est celui de la reconversion du capital humain des travailleurs adultes. « Le monde du travail » est en constante modification et les politiques éducatives doivent être une solution pérenne à ces changements de paradigmes. À cet égard, les institutions académiques permettent aux étudiants d’introduire des dossiers de dispenses de cours. Ce protocole a pour finalité d’optimiser et de repenser le rapport à la formation. Notre recherche a donc tenté de décrire et d’analyser la manière dont les étudiants adultes peuvent saisir l’enjeu de la formation enseignante à travers un processus de VAE. Les dossiers VAE sont l’occasion pour les candidats d’utiliser l’outil « langue » comme vecteur de compétences formelles et informelles.

Nous avons souhaité mettre en exergue le sens pragmatique et utile de cet outil de formation ; ces parcours analysés permettent d’interroger in fine l’implantation « réelle » dans les pratiques professionnelles quotidiennes de la formation initiale des enseignants. C’est pourquoi, contrairement aux recherches plus « classiques », nous n’avons pas défini de cadre théorique préétabli ni d’hypothèses a priori, mais nous sommes appuyés principalement sur la méthodologie d’analyse nommée Grounded Theory (Kaufmann, 2008). Nous nous sommes donc bornés à dégager, à isoler et à reconstruire du sens en analysant les convergences / divergences récurrentes dans les discours et les écrits qu’ont les étudiants. Le propos et les écrits prennent tout leurs sens dans ce protocole. In fine, nous aurons le loisir de nous positionner sur l’utilité constatée des apports de l’investissement du capital humain dans la formation initiale des enseignants.

Mots clés : capital humain ; économie de la connaissance ; andragogie ; compétences ; lifelong learning

Khadija GAHA

Professeure adjointe

Université Sainte-Anne (Canada)

khadija.gaha@usainteanne.ca

Programme mis en œuvre pour mieux intégrer les travailleurs francophones dans une région anglophone

Résumé : Bien que les langues officielles au Canada soient le français et l’anglais, leur importance varie d’une province à l’autre. Pour la Nouvelle-Écosse (NÉ), 89 % de la population parlent uniquement en anglais et le français occupe plutôt la place de langue officielle en situation minoritaire. Pour changer la donne, en 2020, le ministère de l’Immigration (IRCC) a mis en œuvre un projet pilote d’une durée de quatre ans, pour encourager 14 communautés au Canada à proposer des programmes permettant d’améliorer l’accueil des arrivants francophones dans les communautés francophones en situation minoritaire. Parmi elle, la communauté de Clare (NÉ). Celle-ci propose une variété d’activités et de services en vue de contribuer à rendre la communauté plus accueillante envers les immigrants. Mais les efforts mis en place par cette région ont-ils permis de créer des milieux inclusifs où les travailleurs francophones peuvent s’intégrer et développer leur sentiment d’appartenance ? Nous avons analysé ce programme à partir de la grille séquentielle de Charles O. Jones (1970). Pour apporter des réponses et comprendre la communauté de Clare, des entrevues ont été menées auprès de certains organismes, comme le Conseil de développement économique de la Nouvelle-Écosse (CDÉNÉ), Immigration francophone Nouvelle-Écosse (IFNS), Communauté accueillante de Clare et la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE). Ces entrevues ont permis d’identifier les actions mises en œuvre et leurs impacts sur la communauté francophone. Par la suite, à partir d’un groupe de discussion composé de nouveaux arrivants francophones installés à Clare, nous avons formulé des recommandations pour mieux rejoindre les francophones, mieux répondre à leurs besoins et les inciter à rester dans la région.

Mots-clés : langue officielle en situation minoritaire ; travailleurs francophones ; communauté francophone accueillante ; immigrant francophone ; intégration ; Nouvelle-Écosse

Roger GERVAIS

Professeur

Université Sainte-Anne (Canada)

Roger.Gervais@usainteanne.ca

Stéphane RICHARD

Professeur

Université Laurentienne (Canada)

srichard@laurentienne.ca

Véronique BRIDEAU

Professeur

Université Sainte-Anne (Canada)

Veronique.Brideau@usainteanne.ca

Surprise ! Vous travaillez plus parce que vous êtes bilingue

Résumé : En 2010, Bouchard et collaborateurs ont produit un rapport pour le Consortium national de formation en santé. Ce rapport étudiait les préoccupations des jeunes profession­nels francophones du secteur de la santé et des services sociaux. Les entrevues réalisées auprès d’une trentaine de répondants indiquent que « la charge de travail d’un employé francophone en milieu anglo-dominant est presque auto­matiquement accrue (traducteur de service). Ce qui aurait pour conséquence de décourager les employés bilingues à s’afficher comme tel » (p. 7). Depuis, nous avons trouvé d’autres recherches qui font le même constat (de Moissac et coll. 2017 ; Gervais et coll. 2022). En 2019, 18 travailleuses sociales acadiennes, œuvrant dans un contexte anglo-dominant dans le sud de la Nouvelle-Écosse, nous ont aidés à creuser encore plus la question. À notre grande surprise, les difficultés liées à la langue de travail n’ont pas été évoquées à moins que la question ne soit explicitement posée. Notre communication présentera donc à quel point le fait de pratiquer le travail social en français sur un territoire anglo-dominé est complexe. Alors qu’au Canada, plusieurs employeurs constatent une valeur ajoutée à embaucher des francophones afin d’offrir des services à une population minoritaire, il nous reste un travail de sensibilisation à faire auprès de ces derniers afin qu’ils tiennent compte du travail supplémentaire que ces postes exigent. Il faudra aussi transmettre cette information à nos collègues qui font le travail sur le terrain – nos données montrent bien que plusieurs acceptent la surcharge de travail, sans le réaliser.

Mots-clés : francophone ; minoritaire ; travail ; bien-être ; souffrance ; service social

Lali GULEDANI

Professor

Ilia State University (Georgia)

lali_guledani@iliauni.edu.ge

Linguistic Features of Georgian-Language Periodicals Published in Israel in the 1970s

Abstract: Jews have been living in Georgia for 26 centuries. Like the Jewry from other parts of the world, they returned to their historical homeland in the 20th century. The first wave of immigration occurred in 1970 followed, in the 1990s, by mass repatriation.

Even though Georgian Jews had been speaking Georgian for centuries, their language had distinctive linguistic features which are gradually being lost with their migration When they arrived in Israel, they were confronted with two options – either retain the language they had spoken for centuries or shift to Ivrit (Hebrew). In the first case, their creative production would remain alien to the new cultural and social environment, but it would maintain the tendency of linguistic integration with their native literature. In the latter case, they would adapt to the new social environment but be linguistically distanced from the old one. Georgian Jewry followed the first path – their creative writing is characterized by the linguistic peculiarities that they have preserved despite the territorial distance from Georgia.

This paper focuses on the linguistic features of the Georgian-language periodicals published in Israel in the 1970s. It also discusses new linguistic traits that can be observed in the language of Georgian Jews. We shall try to answer the question: Does changing the place of residence and linguistic environment make a Georgian-Jewish author a part of another national literature?

Keywords: linguistic integration; linguistic distance; linguistic peculiarities; linguistic environment

Said HASSANI

Maitre de conférences

Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (Algérie)

said.hassani@ummto.dz

Le kabyle (taqbaylit) en Algérie : de l’aménagement du statut à l’aménagement du corpus

Résumé : Dans cette contribution, nous voudrions expliciter le statut dont jouissent les variétés de tamazight en Algérie et, particulièrement, le kabyle depuis sa reconnaissance comme langue nationale (en 2002) et officielle (en 2016) dans la constitution algérienne. Si, aujourd’hui, le kabyle, à l’instar des autres variétés apparentées, est promu au rang de langue nationale et officielle, ce statut n’a pas eu d’impact sur l’aménagement interne de la langue kabyle et n’est pas accompagné de mesures objectives et concrètes sur le terrain. Si le processus d’aménagement du corpus (ou interne) du kabyle est toujours en cours, la tâche demeure très complexe et pose cependant plusieurs difficultés liées essentiellement à la diversité linguistique à l’échelle intra-dialectale du kabyle. Cette diversité est bien observée, analysée et examinée à travers plusieurs travaux de dialectologie et de géographie linguistique. Ce sont toutes ces questions de diversité linguistique intra-dialectale, d’aménagement du corpus et de norme(s) linguistique(s) qu’il faut retenir que nous aborderons dans cette communication.

Mots-clés : aménagement linguistique ; kabyle ; norme ; normalisation ; dialectologie ; géographie linguistique

Manana JAVAKHISHVILI

Professeure associée

Université d’État Ilia (Géorgie)

manana.javakhishvili@iliauni.edu.ge

Montauban : lieu de la culture éducative géorgienne

Résumé : Au 19e siècle, l’intégration de la Géorgie à la Russie a provoqué l’annulation de la mission catholique romaine en Géorgie et la poursuite des catholiques. Dans la seconde partie du 19e siècle, une partie de l’élite des catholiques géorgiens quitte la Géorgie, poursuivant leurs activités à l’étranger, notamment à Istanbul (Turquie), puis à Montauban (France), où ils fondent des centres avec des imprimeries géorgiennes. Ils envoient leurs livres en Géorgie pour que les enfants catholiques reçoivent une éducation en langue géorgienne. Ainsi, les catholiques géorgiens étaient engagés dans d’importantes activités culturelles et éducatives à l’étranger. La Maison de Montauban sert aussi d’habitation aux jeunes Géorgiens qui entendent poursuivre leurs études sacerdotales en France. Les Géorgiens qui voulaient étudier les langues française et latine ne pouvaient trouver, hors de France, un enseignement d’aussi haute valeur que celui qu’ils pouvaient acquérir auprès des professeurs français. Grâce à cet enseignement supérieur, après avoir terminé leurs études, ces jeunes Géorgiens avaient l’intention de fonder des écoles dans tout l’Orient tout en propageant la langue française. Le patrimoine culturel catholique du centre de Montauban est considéré comme une part importante de la mémoire historique et culturelle géorgienne. Ma recherche porte sur la micro-histoire du centre de Montauban – un lieu des enjeux identitaires : religieux, nationaux et linguistiques à la frontière des 19e et 20e siècles.

Mots-clés : catholiques géorgiens ; Montauban ; identité religieuse ; identité nationale ; linguistique ; éducation ; culture

Irma KARAULASHVILI

Ilia State University (Georgia)

irma_karaulashvili@iliauni.edu.ge

Armenians in Late Antique Edessa and the Formation of the Armenian Versions of the Abgar Legend

Abstract: In this presentation, I will demonstrate the important role that ethnic minorities have played in the process of the so-called nationalization of one of the decisive apocryphal narratives in the history of Christianity, known as the Abgar Legend. It is a narrative about the first conversion of a pagan ruler to a new Christian faith. According to some ancient Syriac and Greek sources, this event took place in one of the Syrian cities, namely that of Edessa, soon after the Crucifixion of the Saviour. Some scholars consider that it might have taken place sometime during the 2nd century AD. Be as it may, this narrative is already known and cited in the 4th century AD by Eusebius of Caesarea, the “historiographer of Constantine the Great”. As is estimated, the original version of the legend was composed in Syria and is titled the Doctrina Addaï. It seems plausible to ascertain that this narrative had been translated into a foreign language only once – into Armenian – soon after its composition, as it is the only translation that came down to us. By the 8th century, we encounter a nationalized version of the legend, where King Abgar is declared an Armenian king, and the city of Edessa, an Armenian city. My paper offers an insight into plausible reasons for the creation of this nationalized “possible history” entangled between language and territory. Intertextuality, narratology, and identity and memory studies represent the main methodological frameworks within which the sources under scrutiny will be analyzed.

Keywords: Syria; Armenia; Edessa; Christianization; apocrypha; Abgar Legend

Kamel KHIARI

Professeur

Université Sainte-Anne (Canada)

Kamel.Khiari@usainteanne.ca

Histoire et teneur de la Loi sur l’Institut canadien des langues patrimoniales

Résumé : Deuxième plus vaste territoire dans le monde (9 984 670 km2) après la Russie (17 125 191 km2), le Canada est, du fait de son histoire, un pays à la fois bijuridique (Common Law et droit civil) et bilingue (anglais et français). Il est également un important pays d’immigration : près du quart de sa population (23 %) est constituée d’immigrants et il comprend 450 origines ethniques ou culturelles. Se fondant sur sa politique multiculturaliste qui consiste à ce que, parallèlement à l’affirmation du statut des langues officielles, soit maintenu et valorisé les autres langues (Loi sur le multiculturalisme de 1985), le Canada a décidé, en 1991, de mettre en place l’Institut canadien des langues patrimoniales, lequel s’est vu attribuer comme mission de faciliter l’acquisition et la rétention dans l’ensemble du pays des autres langues non officielles. L’objet de cette communication est de présenter l’histoire et le contenu de cette importante loi qui est très représentative de la situation canadienne. L’étude est, dans son approche et sa méthodologie, de nature juridique, mais l’exposé se fera dans un langage aisément accessible aux non-juristes.

Mots-clés : langues officielles ; langues patrimoniales ; multiculturalisme ; valorisation

Rym LAJMI

Professeure chercheuse

Institut supérieur des langues de Gabès, Université de Gabès (Tunisie)

r.lajmi16@gmail.com

La notion d’appartenance au territoire d’après le témoignage de quelques militantes “italiennes de Tunisie”

Résumé : Au cours de notre recherche, nous nous sommes intéressé au militantisme féminin dans différents groupes ethniques de Tunisie, allant des années trente aux années soixante du 20e siècle. Une collecte de témoignages oraux, ainsi qu’une documentation d’archives, nous ont révélé le rôle important que ces femmes, d’origine italienne en majorité, ont joué. L’intérêt que nous portons à ce sujet est de pouvoir reconstruire la mémoire d’une composante sociale qui a quasiment disparu de l’espace public en Tunisie, et ce, à partir de 1943. Ces femmes, que nous appellerons Italiennes de Tunisie, sont également d’origine juive et, selon nous, représentent un modèle très complexe et riche puisqu’elles sont porteuses d’un patrimoine culturel mixte et s’expriment simultanément en différentes langues : en italien, en français, en arabe, voire même en « derja » (arabe dialectal). Nous essaierons d’expliquer comment ces interférences linguistiques ont joué un rôle dans la dynamique culturelle de ce groupe. Il est donc intéressant d’examiner le cosmopolitisme de ses femmes militantes, lequel ne s’exprime pas seulement par la théorie, mais aussi à travers l’utilisation constante du plurilinguisme et de multiples références culturelles. Les témoignages oraux que nous avons recueillis permettront de dévoiler un récit intime de leur lutte qui s’exprime aussi dans l’utilisation de ces divers registres linguistiques et culturels.

Mots-clés : militantisme ; femmes ; témoignages ; identité plurielle ; appartenance ; langage ; histoire ; culture ; Tunisie

Salome LAPACHISHVILI

Doctoral Student

Ilia State University (Georgia)

salome.lapachishvili@iliauni.edu.ge

Polyphony in Guram Odisharia’s Postmodern Novels

Abstract: The paper discusses the literary and social-political significance of Guram Odisaria’s three novels – The Black Sea Ocean, President’s Cat and With You Without You – in the framework of the literary concept of polyphony. Odisharia’s prose overlaps national grievances and private destiny of becoming a refugee in his own country during the 1992-1993 armed conflict in the Georgian region of Abkhazia.

We shall analyze polyphony as a literary weapon in line with Mikhail Bakhtin’s literary concept and address the question of how the writer-protagonist “confronts a multitude of routes, roads and paths laid down in the object of social consciousness”. Bakhtinian polyphonic concept of truth underlines Odisharia’s novels that “truth needs a multitude of carrying voices. It cannot be held within a single mind; it also cannot be expressed by a single mouth”.

Our analysis discloses the literary capacity of polyphony in terms of revealing the different ethnic and social voices of the multiethnic region through the plot division in the pre-war, war-time and post-war layers that embody varied dialectics of different historical periods and the fragmental interventions of peace and war, love and hatred, revenge and humanity. It is an effective literary instrument to represent the multiple voices of a multiethnic region, the literary language of reconciliation and peace, “the artistic will” to combine many individual wish to find a true perspective in restoring the territorial and human integrity.

Keywords:  Guram Odisharia; postmodern novel; polyphony; multiethnic region; language of reconciliation and peace; territorial and human integrity; historical memory

Amina MAHIR

Enseignante-chercheure

Université Abdelmalek Essaâdi (Maroc)

a.mahir@uae.ac.ma

Réforme de l’enseignement des langues étrangères au Maroc : une ouverture territoriale et culturelle prometteuse

Résumé : L’enseignement des langues étrangères ne saurait ignorer l’aspect culturel dont toute langue est porteuse et qu’elle véhicule. Par voie de conséquence, toute didactique des langues ne pourrait que faire valoir cette dimension culturelle dans le but, d’abord, d’amener les apprenants à appréhender les fondamentaux de leur culture, de leur différence, et d’avoir un ancrage identitaire ; ensuite, de pouvoir s’ouvrir à l’Autre. Et ce n’est nullement un hasard si les textes officiels s’engagent à valoriser l’aspect aussi bien culturel qu’interculturel des langues enseignées. À ce titre, le Maroc n’est pas en reste puisque La Vision Stratégique 2015-2030, en tant que texte institutionnel prospectif élaboré par le Ministère de l’Éducation, se veut une réponse anticipatrice aux évolutions du nouveau monde. Dans ce sens, ce texte vise à instaurer une diversité des modes de gestion langagière et territoriale sans frontières, de montrer aux apprenants que leur identité est une mosaïque qui s’est tissée d’apports culturels différents.

Cette contribution porte sur la lecture des textes officiels adoptés par le Ministère de l’Éducation nationale, qui régissent l’enseignement des langues étrangères, en particulier, celui de la langue française. Il serait possible d’y trouver des contenus qui invitent à un dépassement territorial sans aucun a priori par l’appropriation d’une langue étrangère qui ne constitue pas une menace, ni une rivale, mais plutôt une ouverture, un accès à un système culturel qui fonctionne différemment de celui de l’apprenant. L’approche analytique nous permettra de dégager de ces textes la vision du culturel aussi bien que de l’interculturel que se font les instances de décision en matière d’éducation et d’enseignement au Maroc, d’examiner les modalités de mise en pratique de cette vision sur le terrain, et d’essayer de percevoir les finalités escomptées de cette perspective interculturelle.

Mots clés : langues ; culturel ; territorialisation-réforme ; vision stratégique ; enseignement ; Maroc ; didactique des langues

Atinati MAMATSASHVILI

Professeure

Université d’État Ilia (Géorgie)

Fellow at Netherlands Institute for Advanced Study in the Humanities and Social Sciences (Pays-Bas)

atinati_mamatsashvili@iliauni.edu.ge

Les souliers du marcheur

Résumé : Nous envisageons, dans la présente étude, de nous questionner sur la rupture qu’introduit la Shoah au niveau esthétique, et tout particulièrement dans l’usage de la langue. Dans quelle mesure pouvons-nous parler de mutations esthétiques qui se produisent dans l’écriture qui voudrait aborder l’événement ? Comment parler et dans quelle langue exprimer ce qui n’est pas possible de dire ? Nous procéderons, en premier lieu, à l’analyse d’œuvres en nous appuyant sur ce qui les relie à l’Histoire et à la manière dont cette dernière prend forme dans l’écriture. Ensuite, nous établirons une lecture parallèle des tableaux qui, d’une manière ou d’une autre, véhiculent la présence visuelle de cette même Histoire.

C’est notamment par le biais des souliers – un élément intrinsèquement lié au concept de territorialité, insinuant, d’une part, un ancrage territorial et, d’autre part, un continuum du mouvement, un dé-placement, que nous aborderons l’image de l’homme-après-Auschwitz. S’agit-il d’adopter une autre langue, comme c’est le cas pour Anise Koltz qui passe de l’allemand au français – le revirement radical dû notamment à l’expérience du nazisme ? Ou s’agit-il de passer d’un genre à l’autre qui requiert une autre « langue » ou une autre expressivité, comme pour le romancier Paul Willems qui, dans ses pièces de théâtre de l’après-guerre, aborde autrement la Seconde Guerre mondiale ? Que signifie les chaussures dont le personnage beckettien veut à tout prix se défaire ? Et comment ces éléments se répercutent-ils dans la peinture (René Magritte, Le Modèle rouge ; Leo Maillet, Derrière le rideau) ?

Mots-clés : littérature francophone ; territoire ; langue ; antisémitisme ; nazisme ; peinture

Marcel MARTEL

Professeur

York University (Canada)

mmartel@yorku.ca

L’Ontario bilingue : vraiment !

Résumé : Selon le Commissariat aux langues officielles, la population canadienne accepte le bilinguisme. L’apprentissage et l’usage des deux langues officielles du Canada sont des pratiques individuelles et institutionnelles à favoriser. Pourtant, le bilinguisme comme politique gouvernementale a suscité des tensions depuis la création du Canada en 1867. Cette communication porte sur l’Ontario, une province canadienne qui n’est toujours pas bilingue, et aux efforts des citoyen(ne)s pour inciter le gouvernement à adopter le bilinguisme officiel.

Pour accéder à cette prise de parole, je m’intéresse aux citoyen(ne)s qui écrivent aux premiers ministres ontariens et qui s’expriment sur le bilinguisme officiel dans les années 1960, 1970 et 1980. Pourquoi interviennent-ils ? Croient-ils vraiment en leur capacité d’influencer le gouvernement ? Ces citoyen(ne)s le croient vraiment, puisque plusieurs d’entre eux prennent leur stylo et souvent utilisent leur machine à écrire pour envoyer des lettres au premier ministre de l’Ontario. Certains le font même plus d’une fois, soit parce qu’ils s’impatientent faute d’une réponse à leur première missive, soit ils estiment l’enjeu tellement important qu’une seule lettre ne suffit pas pour exprimer leur point de vue. Qui sont ces gens ? Qu’écrivent-ils ? Après tout, le premier ministre est sollicité de toute part et la lettre est un moyen parmi tant d’autres pour obtenir son attention. En d’autres termes, comment les citoyen(ne)s utilisent-ils leur capital symbolique pour affirmer au premier ministre que le bilinguisme doit être adopté comme politique gouvernementale ?

Mots-clés : bilinguisme officiel ; langues officielles ; Ontario

Chantal MAYER-CRITTENDEN

Professeure agrégée

Université Laurentienne (Canada)

cmayercrittenden@laurentienne.ca

Michèle MINOR-CORRIVEAU

Professeure agrégée

Université Laurentienne (Canada)

mminorcorriveau@laurentienne.ca

Amélie ALBERT

Candidate à la M. Sc. S. ès orthophonie

Université Laurentienne (Canada)

Aalbert1@lauentienne.ca

Stratégies gagnantes servant à améliorer la communication orale en français des élèves en contexte linguistique minoritaire

Résumé : Le Consortium Centre Jules-Léger (CCJL) offre une éducation spécialisée aux élèves francophones canadiens en contexte minoritaire qui ont un trouble des apprentissages (TA). À l’heure actuelle, aucune étude n’a examiné l’efficacité des interventions rééducatives en communication orale effectuées auprès des élèves du CCJL. Les objectifs de notre recherche-action étaient : 1) de mesurer l’efficacité d’une approche collaborative de prestation de service intensif auprès des élèves, et 2) de mesurer l’efficacité des stratégies en communication orale enseignées par les enseignants et utilisées par les élèves. Douze élèves et 11 membres du personnel enseignant du CCJL ont participé. Une évaluation bilingue du langage a été effectuée. Trois des élèves avaient également un trouble développemental du langage. Cinq élèves avaient une dominance langagière en anglais, six en français et un élève avait un bilinguisme équilibré. Plusieurs rencontres ont eu lieu entre les membres de l’équipe de recherche afin de discuter des enjeux liés à l’acquisition d’une langue minoritaire ainsi que plusieurs séances de perfectionnement professionnel portant sur l’enseignement de stratégies servant à améliorer la communication orale. Des stratégies pour l’amélioration de la communication orale ont été développées et une grille d’évaluation a été co-construite afin d’évaluer la communication orale des élèves pendant dix mois alors que le personnel enseignant utilisait les stratégies ciblées par la recherche. Les résultats montrent que les membres du personnel enseignant ont bénéficié de leur participation dans la recherche-action. De plus, les élèves étaient plus conscients des stratégies métacognitives gagnantes à utiliser afin d’améliorer leurs compétences langagières en français.

Mots-clés : communication orale ; langue minoritaire ; enseignement ; bilinguisme ; stratégie pédagogique

Michel MERMET

Centre d’études des langues, territoires et identités culturelles – Bretagne et langues minoritaires (CELTIC-BLM)

Université Rennes 2, France

michel.mermet56@gmail.comm

Diachronie des arabismes en lexicographie bretonne dans les échanges entre la Bretagne et l’Orient à partir du 15e siècle

Résumé : C’est en 1154 que le géographe arabe Al Idrissi dresse la première représentation cartographique de Bretagne. Les épices représentent les plus anciens produits transportés par les compagnies à chartes en Bretagne. L’ouverture du trafic commercial maritime vers l’Orient a eu un grand retentissement sur les techniques de constructions navales, l’art de la navigation, la vie économique et culturelle. Dans une perspective diachronique, allant du 15e siècle à l’époque contemporaine, nous avons cherché à appréhender le regard des lexicographes bretons sur l’Orient et, en particulier, le point de vue des arabismes dans la langue bretonne. Le traitement lexicographique que nous avons mené s’appuie sur un corpus de trois dictionnaires de référence en breton : le Catholicon de Jehan Lagadec (1499), le Dictionnaire françois-celtique, ou françois-breton du Père Grégoire de Rostrenen (1732), le Dictionnaire du breton contemporain bilingue du professeur Francis Favereau (1992). En menant une analyse factorielle des correspondances pour un corpus de 222 arabismes, nous avons cherché à préciser la nature des contacts entre les emprunts à l’arabe et la langue bretonne pour les domaines des sciences et techniques, de la vie quotidienne, de la culture, de l’économie et des termes populaires.

Mots-clés : lexicographie ; arabisme ; breton ; diachronie ; emprunt ; analyse diachronique

Karima NABTI

Maître de conférences, enseignante chercheure

École nationale supérieure vétérinaire / Université d’Alger 2 (Algérie)

k.nabti@ensv.dz

La perception de l’espace virtuel à travers la langue durant la pandémie

Résumé : L’émergence de la pandémie de Covid-19 et sa propagation rapide ont contraint les autorités à imposer un confinement planétaire pour lutter contre la propagation du virus, impliquant les technologies numériques nécessaires à maintenir les services essentiels, à communiquer des informations et à favoriser les interactions socio-économiques. A fortiori, les activités liées à la vie professionnelle ont déjà connu un franc succès avant la pandémie, comme l’enseignement à distance, l’apprentissage collaboratif, les conférences, le télétravail, la visioconférence. D’ailleurs, plusieurs plateformes ont suscité l’intérêt des chercheurs de différents domaines de recherche qui se sont intéressés au fonctionnement de ces outils ainsi qu’aux aspects interactif, collaboratif et pédagogique dans l’enseignement en ligne.

Par ailleurs, ces technologies numériques ont joué un rôle très important sur le plan social. Des activités en ligne ont vite pris place dans le quotidien des confinés et ont comblé cet isolement. C’est dans cette perspective que notre problématique a été envisagée. Elle repose sur la notion de la spatialité virtuelle et se veut d’étudier les représentations sur la perception de l’espace virtuel ainsi que son rapport à la langue durant la période de pandémie. Il s’agit, plus précisément, de voir comment cet espace virtuel a été perçu par rapport à l’espace réel à travers la langue. Afin de répondre à cette problématique, notre étude s’inscrit dans une démarche sociolinguistique dans laquelle une enquête avec questionnaire mettra en exergue des résultats sur l’utilisation d’une terminologie spécifique pour la désignation de l’espace virtuel à l’encontre de l’espace réel.

Mots-clés : espace virtuel ; perception de l’espace ; reconstitution de l’espace ; pandémie ; terminologie spécifique

Frydh ONDÉLÉ

Doctorant chercheur

Université Marien Ngouabi (Congo-Brazzaville)

frydhondele11@gmail.com

Pour une politologie linguistique : l’avenir des langues et les langues de l’avenir au Congo-Brazzaville

Résumé : La présence de plusieurs langues dans un territoire donné entraine ipso facto la question de leur gestion. Cette gestion peut se faire in vitro (intervention de l’État dans le domaine linguistique) ou in vivo (pratiques linguistiques effectives au sein de la population). La politique linguistique du Congo est formulée dans les différentes constitutions du pays. Par exemple, celle du 15 octobre 2015 (article 4) stipule que la langue officielle est le français et que les langues nationales véhiculaires sont le lingala et le kituba.

Louis-Jean Calvet (2017) fait la distinction entre les deux syntagmes « politique linguistique » et « politologie linguistique ». Selon Calvet (1999), la politique linguistique est « l’ensemble des choix effectués dans le domaine des rapports entre langue et vie sociale, et plus particulièrement entre langue et vie nationale ».En ce sens, Palakyém Stephen Mouzou (2022) montre que la politique linguistique regroupe l’aménagement et la planification linguistiques. La politologie linguistique consiste, quant à Calvet (2017), en une analyse des politiques linguistiques et se donne pour objet d’étude, les interventions sur les situations linguistiques. Nous proposons, dans cette communication, de faire une analyse de la politique linguistique du Congo.

La problématique de cette étude s’articule autour des questions suivantes : Quels sont les présupposés ou les soubassements idéologiques de la politique linguistique du Congo ? Quel est son impact sur l’avenir des langues congolaises parlées sur le territoire national ? Notre analyse est basée sur l’approche pragmatique qui s’intéresse aux phénomènes interprétatifs des énoncés (discours) et sur la recherche documentaire.

Mots-clés :politique linguistique ; politologie linguistique ; aménagement linguistique ; planification linguistique ; langue officielle ; langues nationales véhiculaires ; avenir des langues

Noussayba OUAKAOUI

Maître-assistante

Institut préparatoire des études littéraires et des sciences humaines de Tunis /

Laboratoire Intersignes, Université de Tunis (Tunisie)

noussayba2001@yahoo.fr

La poétique du territoire dans La grande bourgeoise de Jean Giraudoux

Résumé : Jean Giraudoux est incontestablement l’auteur de la langue française qu’il se plait à réinventer. Ses œuvres sont un véritable champ d’expérimentation où il déploie sa finesse linguistique. Dans l’une de ses nouvelles, peut-être la moins connue, il retrace les péripéties de trois protagonistes perdus au cœur de la Sologne. L’intrigue en soi n’a rien d’exceptionnel si ce n’est l’irruption d’un jeune homme qui vient donner une leçon de style à la jeune bourgeoise. L’œuvre qui s’appréhende comme une prose poétique joue sur les écarts de langue en même temps que sur la poétique de l’espace. François Rabot, cet évadé, pénètre dans un territoire nouveau, celui des nantis et il devra décoder des codes qui lui sont inconnus. La nouvelle est une métaphore de l’espace et du langage qui lui est indissociablement lié. Notre travail tentera de répondre aux problématiques suivantes : dans quelle(s) mesure(s) la langue nous définit, l’autre et son territoire, la métaphore de l’espace

Mots-clés : langue ; identité ; culture ; territoire ; style ; écarts de langue ; poétique ; espace

Nino PIRTSKHALAVA

Professeure

Université d’État Ilia (Géorgie)

nino_pirtskhalava@iliauni.edu.ge

La tradition européenne de la poésie urbaine multiethnique de Tbilissi

Résumé

Le paysage multiculturel de Tbilissi, ville multinationale et multilingue, où, selon Knut Hamsun, « soixante-dix langues sont parlées », a généré une éternelle question : « L’Asie ou l’Europe ? » Avec Alexandre Dumas commence une tradition très particulière de la réception de Tbilissi. La perception des frontières tbilissiennes est explicitement musicale et la palette polyphonique de ses couleurs tonales devient déterminante, non seulement pour les Européens mais aussi pour l’auto-identification des Géorgiens à leur propre existence en tant que culture située à la charnière de l’Occident et de l’Orient. Ainsi, c’est entre le belcanto de l’opéra italien (exécution des « Lombards » de Verdi) et le chant de la poésie persane de Saadi que l’écrivain français du 19e siècle a perçu la Tbilissi multinationale.

 La Tbilissi multilingue, où l’on « peut voir l’Asie et l’Europe assises sur la même chaise » (Baron de Baye), représente une région liminale, qui a une fonction de médiation entre différents groupes ethniques. En conséquence, une langue géorgienne vernaculaire y a évolué et sa fusion avec des éléments des langues russe, arménienne, azerbaïdjanaise, juive et persane a été décisive pour l’inimitable, fantastique mélange linguistique du « dialecte de Tbilissi » et son mécanisme produisant le véritable son de la ville, formatrice pour sa phonétique articulatoire et acoustique. Cet exposé propose d’étudier le corpus de récits de voyage des écrivains et des artistes russes et européens sur Tbilissi dans le but d’identifier les mécanismes de la construction du modèle littéraire-urbanistique de cette ville en tant que carrefour de mondes culturels.

Mots-clés : Tbilissi ; modèle littéraire-urbanistique ; multiculturel ; multinational ; multilinguisme ; Occident et Orient ; langue géorgienne

Muriel POLI

Maître de conférences

Université de Corse (Corse)

poli_m@univ-corse.fr

Claude DEVICHI

Maître de conférences

Université de Corse (Corse)

devichi_c@univ-corse.fr

À la rencontre entre langue(s) et culture(s) : quand le proverbe s’immisce dans la pédagogie

Résumé : En France et ailleurs, depuis le début du 21e siècle, les chercheurs intéressés par l’articulation entre analyse linguistique et représentations collectives trouvent dans la parémiologie un magnifique laboratoire. Ne dit-on pas en langue corse « i pruverbii sò santi è ghjusti », énoncé qui traduit la sagesse de ces syntagmes figés qui, dans la société dans laquelle ils sont transmis, font autorité. Pourtant, ces formules chargées culturellement sont de moins en moins investies par les jeunes générations qui adoptent plus volontiers d’autres formes populaires du langage, véhiculées massivement par les réseaux sociaux notamment. Nous avons mené une rapide expérimentation, en corse et en français, à l’Université Pascal Paoli à laquelle nous appartenons, et elle a confirmé ce constat. C’est pourquoi, nous venons de rejoindre le dispositif CARDIE (Cellule Académique Recherche Développement Innovation et Expérimentation, du Ministère de l’Éducation nationale) et, en accord avec une enseignante en école bilingue, nous avons fait le pari d’intégrer régulièrement, sous la forme de scénettes, l’usage des proverbes chez les enfants de cycle 3. Convaincues de la possibilité qu’ils offrent d’étudier le vocabulaire en général et l’expression métaphorique en particulier, nous ambitionnons d’ici la fin de l’année scolaire, en prenant appui sur l’idiomaticité du corpus retenu, d’investir également le champ de l’interculturalité. L’expérimentation menée à bien, nous serons en mesure de présenter des résultats du défi qui consiste, à petite échelle, à résister au courant de ceux qui choisissent l’uniformité pour accéder à l’universel.

Mots-clés : éducation ; bilinguisme ; expression métaphorique ; oralité ; diversité culturelle ; ethnolinguistique

Didier REY

Professeur des Universités

Université de Corse (Corse)

dr.univ@orange.fr

La Corse et ses langues depuis 1850 : du trilinguisme au monolinguisme ?

Résumé : Cette communication se propose d’analyser l’histoire de la confrontation linguistique entre les langues corse, italienne et française sur le territoire de l’île de Corse entre le milieu du 19e siècle et le début du 21e siècle, les idiomes grecs de Cargèse et le ligure de Bonifacio n’étant pas pris en compte dans cette étude. Connaissant au minimum une situation de trilinguisme il y a près de deux siècles, la Corse s’achemine-t-elle actuellement vers une situation d’unilinguisme au bénéfice du français ?

Après avoir analysé les mécanismes politiques et socioculturels de l’éviction de la langue italienne au bénéfice du français sur fond de tensions internationales, seront abordés ceux de la confrontation entre le français et le corse à compter des années 1880. Nous nous pencherons ensuite sur la situation actuelle de la langue corse confrontée à l’omniprésence du français et à l’apparition d’un parler « français de Corse », sorte de sabir où se mêlent des éléments des deux langues ainsi que des prononciations francisées de certains mots du vocabulaire corse. Enfin, la communication se conclura sur l’existence d’une forme de renaissance de l’utilisation de la langue italienne dans un réflexe identitaire nouveau ou, du moins, en rupture avec les schémas hérités de la nationalisation des masses.

Mots-clés : corse ; italien ; français ; nationalisation des masses ; racisme ; mouvements identitaires

Malika SABRI

Professeure en linguistique amazighe

Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (Algérie)

sabrim6@gmail.com

L’aménagement linguistique du tamazight en Algérie. Quelle(s) stratégie(s) et quels objectifs ?

Résumé : La sociolinguistique reconnaît deux aspects différents dans l’aménagement linguistique d’une langue. Il s’agit de l’aménagement de statut et celui de corpus. En Algérie, et après plusieurs années de revendication, la langue amazighe fut couronnée dans la Constitution en 2016 de sa proclamation en tant que « langue nationale et officielle dans ses différentes variétés en usage sur le territoire national». Cette langue, qui était réservée à un usage vernaculaire, se découvre de nouvelles fonctions qu’elle n’assurait pas auparavant. Son intégration à l’université et à l’école a amené des linguistes et des lexicologues à enrichir son lexique pour permettre son enseignement et son usage dans d’autres domaines et répondre à des besoins urgents et diversifiés. Cette contribution se veut une réflexion sur le processus d’aménagement linguistique, aux procédés utilisés par les aménageurs et aux objectifs tracés par ces derniers. Afin de répondre à ces questionnements, nous exploiterons des exemples tirés des manuels scolaires (cycle moyen) élaborés pour l’enseignement de la langue amazighe.

Mots clés : aménagement linguistique ; tamazight ; variété ; lexique ; standardisation, enseignement, manuels scolaires, lexique

Bilel SALEM

Maître-assistant permanent

Institut supérieur des langues de Tunis / Laboratoire LFC 19ES19 (Tunisie)

salem_bilel@yahoo.fr

La langue et le territoire au cours et après les guerres : les écrits de Jean-Paul Sartre et de Céline

Résumé : Sartre a écrit ses Carnets de la drôle de guerre (1939 à 1940) pendant la Deuxième Guerre mondiale, dans une langue autonome, c’est-à-dire une langue libre d’un écrivain qui s’opposait à la guerre. Il devait aller sur le front avec son stylo et son pupitre qui lui tenaient compagnie jusqu’à ce jour-là. Il voulait écrire à propos de la guerre, mais c’est sur lui-même qu’il écrira.

Dans le cadre de cette communication, nous nous proposons de faire le point sur le pouvoir de la langue comme arme fatale pendant la Drôle de Guerre. Nous délimiterons le territoire dans lequel était prisonnier l’écrivain de ces Carnets. En revanche, nous présenterons Guerre de Céline comme un livre de l’ère de la posthistoire qui réunit les deux pouvoirs cumulés de la langue et du territoire. En effet, notre étude comparative tentera de répondre à trois problématiques : 1) Quelle est le lien entre le lieu d’écriture et les thèmes principaux des Carnets de Sartre ? 2) Quels sont les enjeux de chaque écrivain (rhétoriques/scripturaux, politiques, polémiques) ? 3) La langue est-elle affectée par le territoire pendant et après la Guerre ?

Mots-clés : guerre ; langue ; territoires ; espaces ; temps ; posthistoire ; Jean-Paul Sartre ; Céline

Roland SCHEIFF

Professeur associé

Université des langues étrangères de Beijing (Chine)

rolandscheiff@hotmail.comm

Peter Benoit contre François-Auguste Gevaert : le bon et le mauvais Flamand

Résumé : La question identitaire traverse l’histoire de la Belgique. L’État-nation peine, en effet, à englober sous une même identité les deux groupes linguistiques qui le composent. Il en va de même au niveau musical. Flamand d’origine, le compositeur François-Auguste Gevaert se fait un nom à Paris où il parvient à faire jouer plusieurs de ses opéras. De par son succès parisien et ses origines flamandes, il est présenté un temps comme l’incarnation idéale du musicien belge. Cependant, à partir des années 1870, son nom se verra opposé à celui de Peter Benoit, héraut d’un mouvement musical flamand naissant. Une confrontation artistique et idéologique attendra les deux musiciens qui verront leurs œuvres comparées dans la presse artistique belge et questionnées à propos de leur identité et de leur modernité. Gevaert et Benoit seront tour à tour qualifiés de compositeurs « flamands ». Mais cette même dénomination revêtira une signification différente pour les deux hommes : l’art flamand de Gevaert sera avant tout perçu comme un art belge au motif qu’il serait la résultante de « l’âme belge » du compositeur, alors que l’art flamand de Benoit sera compris comme un produit exclusif à la nation flamande en raison même de sa nature. Les idées de Benoit parviendront finalement à s’imposer et la musique de Gevaert perdra peu à peu son aura « belgo-flamande ». La présente communication met en lumière les enjeux identitaires de cette confrontation artistique dans le contexte de la construction de ces deux identités musicales – l’une belge, l’autre flamande.

Mots-clés : identité ; langue ; Belgique, 19e siècle ; musique ; âme belge ; mouvement flamand

Djemaa TIMZOUERT

Enseignant-chercheur

Université M’Hamed Bougara (Algérie)

timzouertd@yahoo.com

Désignation parallèle des voies publiques è Tizi-Ouzou : enjeux sociolinguistiques et retombées socioéconomiques

Résumé : À partir de discours épilinguistiques provoqués et co-construits en deux étapes à l’issue d’une enquête sociolinguistique, cette communication traite des enjeux sociolinguistiques et des implications socioéconomiques de l’adoption d’odonymes parallèles pour la dénomination des rues au sein de la ville de Tizi-Ouzou (Algérie). Nous entendons par odonymes parallèles, les noms dont la population locale fait usage à la place de ceux consacrés par les instances officielles en charge de nommer les voies et les autres espaces publics dans cette agglomération. Il s’agit de saisir les implications de l’adoption de ces attributs dénominatifs parallèles sur certains secteurs d’activités (postes, sécurité et circulation routière, notamment) accompagnant l’urbanisation galopante et l’évolution dans divers sens des espaces d’habitation et des infrastructures d’utilité publique, en l’absence, en plus, de perspective d’une onomastique raisonnée et conforme aux villes algériennes, comme celle de Tizi-Ouzou tenue pour terrain d’enquête.

Mots-clés : sociolinguistique ; onomastique ; odonyme ; urbanisation ; ville ; discours épilinguistique ; linguistique de la signifiance ; co-construction dynamique de sens

Nadéra TOUAHRI

Enseignante-chercheuse

École supérieure de management, Tlemcen (Algérie)

touahrinadera@gmail.com

La littérature maghrébine francophone entre identité et altérité

Résumé : « La langue n’est pas qu’un simple circuit en bouche émetteur-récepteur. La langue nous renvoie à ce que nous sommes ou ne sommes pas – à notre identité et à l’altérité –, à la collectivité dont nous sommes issus et qui, d’une manière ou d’une autre, nous a façonnés, tel que nous sommes, parce que la langue est l’interface de la culture de ce collectif. »

Au lendemain des indépendances des pays du Maghreb, les relations socioculturelles, politiques et économiques entre la France et ces États n’ont pas été rompues. La littérature demeure l’un des domaines où se manifestent les deux imaginaires. Ces derniers véhiculent les blessures du passé historique, les drames du présent, mais aussi le dialogue et l’espoir de bâtir des passerelles entre les deux rives. Le Gone du Chaâba d’Azouz Begag et Une Année chez les Français de Fouad Laroui, tous deux romanciers, abordent les rapports interculturels en France et au Maghreb dans deux contextes semblables : l’univers scolaire et l’univers socioculturel.

Dans notre communication, nous nous interrogerons sur les constituants identitaires des uns et des autres à travers les espaces topographiques et les relations qui s’y tissent dans un premier temps, et la langue de communication entre les protagonistes des deux camps, dans un deuxième temps.

Mots-clés : littérature maghrébine ; identité ; altérité ; langue ; culture ; immigration ; dialogue interculturel ; espace

Saloua TOUATI

Professeure émérite, Lycée Pilote Bourguiba de Tunis

Chercheuse, Laboratoire LERIC (Tunisie)

saloua.correcteur@gmail.com

La langue française en territoire tunisien : inflexion identitaire et complexité culturelle

Résumé : C’est assurément à travers la langue qu’un territoire se dessine et c’est à travers la langue également qu’une nation forge son identité : la religion, le régime politique, l’économie s’y greffent ensuite. Étant un outil, une donnée fondamentale de l’identité des nations, la langue est aussi un symbole. Certaines langues déjouent les limites du territoire unique et limité et nous poussent à interroger le rapport entre l’espace et la langue. Dans le cadre de cette communication, nous nous proposons de mettre l’accent sur le statut particulier du français en Tunisie, c’est-à-dire comme langue du colonisateur pour les uns et langue de la parole libre pour les autres. Notre travail tentera de répondre aux questions suivantes :

Mots-clés : français ; Tunisie ; apprentissage ; écrit ; oral ; identité ; culture ; inflexion ; territoire

Samuel VERNET

Maitre de conférences

Aix-Marseille Université (France)

Samuel.vernet@univ-amu.fr

« Comment améliorer la qualité du français des étudiants acadiens ? » Antéchronologie critique d’un débat cyclique

Résumé : L’Université de Moncton, principal établissement d’enseignement postsecondaire francophone des provinces Maritimes, au Canada, joue un rôle majeur depuis 60 ans dans l’émancipation politique de la minorité linguistique acadienne. Elle porte comme engagement principal l’avancement de la connaissance et la formation en français, ainsi que son ancrage dans la communauté acadienne. Cet engagement rend l’administration de l’Université très attentive aux débats sur le français en Acadie (Vernet et Määttä, 2021). En 2022, des membres du Sénat académique expriment des préoccupations sur la qualité du français des étudiants et des professeurs, suscitant, en réponse, l’organisation par l’Université de trois journées de réflexion sur la qualité de la langue française.

En 2013, après un débat d’un genre similaire initié dans la presse, Arrighi et Violette (2013) proposaient de l’analyser comme l’actualisation d’une idéologie nationaliste où la langue tient lieu de ciment de l’identité collective. Ici, au-delà de cette dimension idéologique, nous proposerons d’analyser le caractère cyclique des débats sur la qualité du français à l’université acadienne : quels sont les évènements déclencheurs de ces débats ? Comment les discours alarmants sur la qualité du français circulent-ils et depuis quand ? Suivant quels motifs discursifs et quels arguments ? À partir des outils de l’analyse critique et argumentative de discours (Amossy, 2010), nous analyserons des archives administratives de l’Université de Moncton ainsi que des archives de presse afin de contribuer à l’historiographie des débats sur la qualité du français des Acadiens.

Mots-clés : Acadie ; qualité du français ; approche critique ; analyse de discours

Naïma YETTOU (MAA)

Enseignant-chercheur (Maître assistante A)

Université Batna 2 (Algérie)

n.yettou@univ-batna2.dz

Jamel ZENATI

Professeur

Université
Montpellier III (France)

jamel.zenati@univ-alger2.dz

L’emprunt comme un véritable enjeu linguistique de l’expression d’un français à particularités algériennes

Résumé : Les forums francophones de tchat algériens traduisent une dynamique langagière déterminée par les contacts entre les langues et les sujets parlants. Le caractère bilingue ou multilingue des tchatteurs permet un va-et-vient entre différentes langues, donnant lieu à un phénomène linguistique relevant de la néologie : l’emprunt linguistique.

À travers une analyse lexico-sémantique des emprunts de « Forums-algérie.com et Algerie-dz.com », s’étalant sur une période d’un an (2022), nous souhaitons rendre compte des particularités morphologiques et sémantiques des vocables empruntés. Les forums en question s’organisent sous forme de plusieurs rubriques, où des Algériens clavardent de tout et de rien (discussions portant sur l’actualité et le quotidien). L’objectif est d’effectuer une étude quantitative, par le calcul du taux d’emprunts, qui permettra de rendre compte d’une dynamique langagière dans et par les forums de discussion. De surcroît, une étude qualitative, viendra cerner le phénomène de l’emprunt et ses particularités, de son adoption jusqu’à sa potentielle intégration.

La collecte des emprunts, leur classement selon une typologie lexicale et sémantique, le sens que leur attribuent les usagers, nous permettent de nous interroger sur les enjeux linguistiques déployés donnant naissance à ce français à particularités algériennes : le français algérien. L’emprunt linguistique, un vocable à identité lexicale et sémantique étrangère, immigre d’une langue source à une langue d’accueil. Il se présente avec un cachet morphologique particulier, charriant et établissant des réseaux sémantiques étrangers, ce qui fait de lui un élément nouveau dont les différentes règles d’intégration dans sa langue d’accueil s’annoncent délicates, voire problématiques.

Mots-clés : emprunt linguistique ; contacts de langues ; intégration ; langue source ; langue d’accueil ; morphologie ; sémantique ; lexicologie ; français algérien